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Il y a quelques semaines à peine après le déconfinement lié à cette crise sanitaire (et économique) historique, je me décide à aller à la rencontre d’Arthur Leclercq, fondateur de l’atelier de réparation SuperStitch situé au 13, rue Racine dans le sixième arrondissement de Paris. Je rencontre pour la première fois Arthur Leclercq en 2016 durant un event organisé dans l’une de mes boutiques héritage préférées de Paris, Royal Cheese, pour la marque de denim Levi’s. Je suis chaleureusement accueilli par le maître des lieux et l’un de ses amis dans la boutique atelier qu’est SuperStitch. On discute de tout et de rien, pendant qu’Arthur switch de machine en machine pour réparer les denim confiés par ses clients. L’idée, m’était venue plutôt de façon naturelle de lui proposer de se prêter au jeu du podcast : il a accepté sans aucuns chichis.
Arthur Leclercq, classe 1989 (30 ans), né en Charente-Maritime (à Saint-Jean-d’Angèly), et ayant grandi à Poitier (ce qu’il définit une belle bourgade) est un passionné de sports mécaniques (ancien compétiteur en motocross) mais surtout de denim. Né d’un père informaticien pour des logiciels de sécurité d’une banque et d’une mère entrepreneuse, à la tête d’une boîte de nuit de province (avec parking en graviers) pendant plus de vingt ans. Il y fréquente ce lieu âgé de seulement dix ans, copinant avec les videurs, des « personnages assez spécifiques » que l’on ne rencontrerait pas hors contexte monde de la nuit (un monde à part).
Sortir les poubelles, une école de la vie
A 13 ans il commence à mettre les mains dans le cambouis, en aidant sa mère à la tache dans la boîte de nuit, en s’occupant du bar, du tri des bouteilles, à la sortie des poubelles… Inconsciemment avec un parcours scolaire « laborieux » et semé d’embuches, cette humilité responsabilisante lui avait très tôt inculqué le désir de faire les choses par lui même avec la notion de prise de risques que seuls connaissent les entrepreneurs. Arthur Leclercq se voyait initialement chirurgien (pour sauver des vies). Le destin en voulut autrement…
Bac -10
Arthur Leclercq ne passera pas son épreuve de Bac (car pas réveillé ce jour là…), Bac Pro tournage fraisage où Arthur fait son apprentissage en usinant des pièces pour l’automobile, l’aéronautique… En apprenant sur des machines conventionnelles et par la suite numériques qui par ailleurs le passionnaient par l’aspect manuel, minutieux et qui force à la réflexions permanente qui le rapprochent de la mécanique et des machines bien réglées…
Championnats de motocross et automobiles accidentées
Arthur Leclercq nous raconte sa passion de toujours le motocross et les sports mécaniques de façon générale, qui a démarrée dès ses cinq ans. Sa chambre était parsemée de posters de ses idoles du moment, notamment de posters de :
- Ricky Carmichael
- David Vuillemin
- James Stewart Jr. (pilote emblématique de 2003/2004, surnommé le « Tiger Woods du motocross » qui avait révolutionné le motocross par sa technique minutieuse et le « Scrub » permettant au technicien de pencher la moto sur la crête d’un appel de saut diminuant le temps du saut en l’air)…
Arthur Leclercq dut mettre un terme à sa passion coûteuse en stoppant sa participation aux Championnats de France et les épreuves de Championnat d’Europe en 2006 à cause des frais mirobolants de déplacements, de camion, le dépenses du mécano et des machines…
Arthur nous explique aussi une autre passion les automobiles accidentées (des autres). Il aime voir comment elle se déforme, ce qu’il y a à l’intérieur.
Un métier où l’on ne triche pas
Arthur Leclercq se passionne pour la mécanique avec son apprentissage et son hobby semi professionnel du motocross. Il constate qu’on ne peut pas tricher avec la mécanique. Si les réglages sont mal faits, les machines ne fonctionnent pas. Pas de place pour l’improvisation !
BTS des unités de management commercial et Agent Commercial chez Edwin à Paris
Après un bts des unités de management commercial, Arthur décide de s’installer à Paris fin 2011, pour ouvrir la première boutique Edwin à Paris avec son premier Patron, Franck Gunther du showroom Five0Five en distribuant les marques :
- Universal Works
- Sandqvist
- Tricker’s
- Anderson’s
- Bleu de Chauffe
- Pyrenex
- Novesta
- Edwin
où il y apprends les rudiments du métier du retail de la tenue de boutique, au déballage des cartons, balai etc… Pour six mois après devenir agent commercial de la marque en France (d’ou notre rencontre chez Royal Cheese à Paris).
Passion denim
Très jeune, à 14 ans, la mère d’Arthur lui offre un jean en « denim selvedge » de la marque Edwin Japan. Arthur se prends un claque tant la fabrication du vêtement était précise, il est boulversé par le montage diffèrent et le parfum de qualité que dégage ce jean. La toile était foncée et rigide, les bords à l’intérieur n’étaient pas conçus de la même façon qu’un jean standard… Il se passionne très vite pour le sujet où il planche des nuits entières en se documentant sur des magazines et autres ouvrages japonais pour devenir un Jedi du sujet…
L’Union Special 43200 G
Arthur Leclercq décide en vain, de faire reprendre ce jean sur la longueur avec le fameux point de chaînette en retoucherie. De cette frustration, il décide en octobre 2016, de se procurer par ses propres moyens les 15 machines permettant de monter un jean de A à Z, le bon cinq poches américain avec le bon volume, le bon fil, la bonne toile, les bons boutons, les bons rivets… En commençant par l’acquisition de cette machine américaine emblématique qu’est l’Union Special. La première de ses 13 sur 15 machines à ce jour…
Les machines à coudre pour monter un jean en denim
- une machine pour faire les poches double aiguilles
- une machine pour faire le fond de la culotte avec le bras déporté
- une machine pour finir l’intérieur des jambes coupées, appelée la surjeteuse
- une piqueuse plate pour monter les jambes à l’extérieur
- une machine pour poser les rivets
- une machine pour poser les boutons
- une ceintureuse
- une machine pour faire les passants
- la machine point d’arrêt
- et la fameuse ourleuse
Le point de chaînette
Cette machine à coudre, l’Union Special, était utilisé dans la production de jeans par Levi’s entre 1940 et 1970 et permettait à l’aide du point de chaînette : point ressemblant à une chaine qui allie deux fils, grâce à une aiguille et un crochet sur la machine permettant à la matière de travailler naturellement sans déformer le point. Un point très résistant et qui peut se défaire très vite pour d’éventuelles opérations. La machine était conçue de cette manière pour l’aspect pratique et rapide en évitant d’enfiler la machine avec une canette en mettant deux fils sur le porte cône en déroulant jusqu’à 5km de fil sans jamais s’arrêter. En clair une contrainte industrielle plus qu’esthétique (devenue esthétique aujourd’hui, car romancé par les geeks du denim et une certaine presse étrangère).
Il y a denim et denim
Encore une fois un beau produit ne ment pas, les détails d’un jean digne de ce nom sautent aux yeux et ils doivent comporter ce type de détails :
- être fabriqué au Japon : car c’est le seul pays à fabriquer encore aujourd’hui les jeans avec les machines d’époque américaines (de la période 1940/1970).
- comporter des « défauts » : provoqués par les fameuses machines d’époque, permettant de les différencier d’un jean industriel moderne post 1980.
- posséder le « ropping effect » : zig-zag localisé au niveau de l’ourlet crée par la pression du pied de la machine qui décale le tissu pendant l’opération de la couture.
- montrer la nervure de la poche à pièces ou la poche à montre gousset : petite poche sur le flanc droit du jean
- avoir le « train track » : deux coutures longeant la jambe rappelant les rails des chemins de fer
SuperStitch
Arthur Leclercq, équipé se son Union Spécial calibrée comme il faut, fonde SuperStitch dans le salon des on appartement après avoir échoué de nombreuses fois dans le réaliser un ourlet propre pour enfin aller à la rencontre de ses premiers clients…
Premiers clients : boutiques et initiés
Arthur se mets alors à proposer ses services de reproduction d’ourlets pour les boutiques :
- 45RPM
- RRL
- Jinji
- Anatomica
- Elevation Store
- et les particuliers qui se refilent l’adresse sous le manteau…
du seizième au sixième
Ensuite, il s’installe quelques temps dans le sous-sol de la boutique de PAP, Holiday Boileau, rue Boileau dans le seizième arrondissement de Paris, pour ensuite rebondir, après avoir accumulé les 13 Machines sur 15 permettant l’assemblage d’un jean entier, sur une opportunité de local commercial lui permettant d’ouvrir (tout juste avant le confinement) sa propre boutique SuperStitch avec pignon sur rue au 16, rue Racine à deux pas du Jardin du Luxembourg et du très chic quartier de l’Odéon dans le sixième arrondissement de Paris.
Service couture chic et de niche qui donne de l’effet et du charme au jean
Aujourd’hui, le service de retouches SuperStich est spécialisé dans les réparations de tout type pour jean et denim réalisées avec les machines originales américaines de chez Levi’s, ayant tournée entre 1940 et 1970 (conçues de façon rustique pour la conception des jeans de l’époque). Les « effets » sont des petites aspérités, des défauts, des plis, des petites nervures qui se créent pendant la couture en décalant la matière tout en donnant une âme au vêtement après les délavages striés, marqués par le temps et les ports du client. Ils vont le singulariser en le rendant unique !
Les opérations proposées sont
- l’ourlet point de chaînette caractéristique avec l’Union Special 43200 G de SuperStitch
- le refuselage du jean selon les goûts du client
- les réparations minutieuses diverses et variées
- les personnalisations Single Stitch (broderies customisées réalisées au point de chaînette, quasiment tout est possible)
Le denim LR01
Arthur Leclercq a développé un jean, une coupe : Le jean LR01 rend hommage à Lydie et René, les grands-parents d’Arthur Leclercq. Le jean est une sorte de réédition de jean des seventies à la sauce SuperStitch :
- très inspiré du Levis 501 de 1972 à 1974, nommé le Single Stitch (jean assez rare, du à la période transitionnelle de Levi’s)
- conçu avec une toile non stabilisé (gardant une souplesse dès l’achat et évoluant au fil du temps et des lavages avec son propriétaire)
- cousu avec les coutures en point de chaînette sur la ceinture, poche à pièces ou montre gousset et sur l’extérieur de la jambe
- le ropping effect est proposé pour ajuster la longueur de l’ourlet avec son point de chaînette SuperStitch
- en somme un jean qui n’est pas à la mode, mais intemporel pensé pour vieillir et se patiner noblement avec son propriétaire
La lessive spéciale SSD
Parlons Chemistry (chimie) à présent, avec la lessive spéciale SSD, développée par SuperStitch vendu dans un bidon inspiré d’un bidon d’additifs pour le moteurs de course. Une lessive spéciale denim avec un certain ph et additifs, permettant à la toile de se délaver convenablement de façon bleue sans grisailler en donnant à la toile denim un toucher soyeux. Oubliez le mythe du cow-boy qui consiste à dire qu’il ne faut laver le moins possible son jean… En effet, un jean non lavé peut… Sentir mauvais et fragilise le tissage technique de la toile qui s’élime en tirant les fils aux genoux et à l’entrejambe et en conséquence peut provoquer des trous.
L’ambition
Le leitmotiv d’Arthur Leclercq, aujourd’hui, est de faire plaisir à ses clients en leur proposant le meilleur service réparation de denim possible mais aussi en proposant une capsule de produits satellites autour du denim avec un cahier des charges toujours très poussé concernant le sourcing produit, qualité de montage et confort. Il débute notamment avec son premier modèle de jean, le SuperStitch LR01.
J’ai pris beaucoup de plaisir dans la réalisation de cette interview. Si vous aussi avez aimé ce podcast, n’hésitez pas à laisser un commentaire en le notant avec 5 étoiles sur Apple Podcast. Vous pouvez également vous abonner sur la plateforme Apple Podcast I Spotify I Deezer I Stitcher I TuneIn I Podcastics pour ne pas rater une miette des podcasts à venir !
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Bonne écoute,
Stéphane
Découvrez la Marque du Magazine Gentleman Chemistry :
Très intéressant, comme la plupart de vos émissions.
J’adore écouter parler les gens passionnés, quel que soit le sujet.
Les profils sont tellement variés et atypiques que c’est passionnant. Ca me parle, j’ai moi moi-même un parcours « chaotique », je suis un modeste ouvrier, soudeur aéronautique, et passionné par le vestiaire masculin, les beaux souliers, je découvre l’univers de l’horlogerie etc etc. J’aime l’idée que l’on puisse être passionné et éduqué quel que soit le milieu d’où l’on vient.
Erwann
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Bonsoir Erwann,
Merci beaucoup pour votre commentaire !
Il nous fait vraiment très plaisir !
Nous nous efforçons justement à produire peu d’interviews mais avec un degré élevé d’excellents intervenants tous plus passionnants les uns que les autres et effectivement en sortant un peu de tout ce qui peut être le vêtement en mettant plus en lumière ce qui est le lifestyle où se reconnait et se rejoint la communauté et les thématiques abordées.
Vous êtes ce qu’on appelle dans les RH un slasheur (à notre sens une vraie richesse, moins pour les RH qui recrutent encore aujourd’hui en ayant étudié sur les mêmes bouquins qu’il y a 30 ans…).
On peut boire une bière dans un pub miteux sur un tabouret avec des truands ou déguster un bon Bourbon dans la lobby d’un Palace confortablement installé dans un chesterfield.
Au plaisir de vous relire Erwann, nous vous souhaitons une excellente soirée !
ps
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Merci infiniment pour votre aide et encouragements,
L’équipe Gentleman Chemistry
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« COOL » le terme qui ne veut rien dire et qui veut tout dire, mais qui s’applique parfaitement ici. En tous cas j’ai écouté jusqu’au bout, et c’est un critère positif.
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Bonjour FF,
Très content de savoir que le podcast t’ai plu ! En effet nous avons pris beaucoup de plaisir Arthur et moi dans le réaliser cette interview (ça s’entend au bruit des bières je crois…). Je suis d’accord avec toi… Un mot un peu trop utilisé : j’essaye de diminuer sa consommation ! 🙂
Je te souhaite de passer une belle journée,
Stéphane
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