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L’invité de ce podcast est l’un de ces Tontons Flingueurs, acteurs du menswear institution à Paris qu’il est rare d’entendre prendre la parole et pourtant, il a énormément de choses à dire et pleines de sens au sujet du vêtement et du lifestyle masculin qui nous tient tant à coeur. Il s’agit aujourd’hui du portrait de Norbert Benaim fondateur de la marque et des boutiques établies à Paris depuis plus de 30 ans Willman Paris. J’ai connu Norbert Benaim au travers de mon expérience passée chez le drapier écossais Holland & Sherry à Paris bien que Norbert me suivait depuis quasiment mes débuts au travers de Gentleman Chemistry. Chez Willman Paris les clients de Norbert Benaim viennent y chercher un produit avant une étiquette de marque…
Norbert Benaim nous reçoit dans sa boutique située à quelques pas seulement de celle de notre Cher Ami Daniel Lévy au 21, rue Jean-Mermoz dans le huitième arrondissement de Paris pendant le deuxième confinement (où la boutique se trouvait fermée – ce qui nous a permis de réaliser cette interview avec chaleur et fraternité comme le dit si bien Norbert Benaim).
Norbert Benaim
Norbert Benaim est né le 20 mai 1964 dans la banlieue Parisienne à Chatenay-Malabry. D’origine méditerranéenne : de père Juif Marocain commerçant dans le cuir et les fourrures et d’une mère Catholique Andalouse mère au foyer puis par la suite démonstratrice aux Galeries Lafayette pour une marque de maillots de bain. Norbert Benaim se plaît à dire qu’il est un homme de la Méditerranée. Norbert Benaim s’amuse à nous expliquer qu’après avoir effectué le test avec l’application Instagram My Heritage qu’il aurait également des origines : 24% Italien et 14% Sarde – ce qui lui rajoute une certaine part de légitimité dans son activité de dealer de costumes pour homme made in Italy : « siiii, maaaah Norberto » !
La bougeotte
Les parents de Norbert Benaim pour des raisons professionnelles durent déménager plus de vingt cinq fois… En effet Norbert Benaim grandit entre Paris, Tours, Maisse, … Ce qui ne lui laisse pas le temps de prendre ses marques scolairement parlant et dans ses relations amicales également – il se construit comme un garçon plutôt solitaire et indépendant. Plus tard Norbert Benaim fait l’impasse sur son BAC pour rebondir sur une formation dans une école hôtelière pendant deux ans en travaillant chez Maxim’s, au Bristol… Se rendant compte que le métier était dur et qu’il demandait beaucoup d’exigence et de rigueur il apprend à être à l’écoute du client : sa première école de la vie.
Smuggler Paris
A la même époque pendant son apprentissage à l’école hôtelière, Norbert Benaim est client d’une boutique de costumes pour homme : Smuggler. Il répond à une offre d’emploi pour postuler au poste de vendeur. Il est embauché et fait ses preuves dans ses débuts dans le vêtement masculin classique. Pendant les années Mitterand il sert une flopée de clients en costumes fabriqués dans le nord de la France (l’âge d’or du textile en France). Il fait ses armes chez Smuggler aux côtés de : Didier Azoulay (fondateur de la boutique de costumes pour homme Gambler Paris), Marc Guyot, Laurent Guyot (le frère de Marc),… L’équipe était chapeauté par ce qu’il définit un super patron par Noël De Vavrin qui lui enseignera que l’impossible était réalisable pour le client – en somme, le sens du service dans le but était de finaliser la ventre. Dans la boutique Smuggler de la rue de Longchamp, Norbert Benaim et ses collègues, habillaient toute la jeunesse dorée du seizième arrondissement de Paris en vendant plus de 20 costumes par jour la semaine et le double le samedi plaçant la boutique comme le plus grand vendeur de costumes pour homme en France pendant plus de huit ans aux cotés de boutiques comme Arthur & Fox, Rénoma, Curling, Atelson… Ce qui différenciait Smuggler des autres boutiques de vêtements pour homme ? C’est qu’elle était la boutique à la mode où il fallait aller et sans que le costume ne soit mieux fait que chez les autres boutiques de prêt-à-porter masculin ! Le costume Smuggler était un costume quelconque en toile de laine vendu à 1460 Francs et le super 100 à 1960 Francs (à peu près 300€ pour un costume milieu de gamme), avec lequel l’équipe passait son temps à remplir des fiches de retouches (le retoucheur de l’époque gagnait l’équivalent d’aujourd’hui de 10/15K€).
Licenciement
Après huit années passées chez Smuggler, Norbert Benaim est licencié (car on lui proposait pour le garder de revoir son salaire à la baisse). Avec ses indemnités, Norbert Benaim s’envole aux Antilles à Saint-Martin avec l’idée de monter un restaurant avec Laurent Guyot. Il revient très vite de son euphorie dépaysante pour se lancer à son compte et dans la boutique pour homme à Paris en lançant sa marque de vêtements pour homme : Willman Paris âgé seulement de 30 ans (il y a 26 ans).
Monter en gamme le costume pour homme en France
Norbert Benaim commence son entreprise personnelle à l’image de ses ex collègues chez Smuggler comme Didier Azoulay de la boutique Gambler – en s’appuyant à des manufactures de confection de costumes françaises en étant suivi par un noyau d’amis fidèles devenus ses premiers clients pour leur proposer un costume un petit peu plus raffiné de ce qu’il avait eu l’occasion de vendre précédemment. Avec le temps et de l’expérience, il se rend compte qu’il ne pourrait pas atteindre les mêmes volumes de commande qu’une machine à costumes rapides comme l’était Smuggler. C’est en se heurtant avec ce constat que Norbert Benaim décide de monter en gamme en s’accompagnant cette fois de confectionneurs italiens rencontrés lors de salons professionnels de prêt-à-porter à Paris. De plus les manufactures françaises de production de vêtements pour homme fermaient l’une après l’autre car d’après Norbert elles n’avaient pas su prendre le virage du luxe en tirant le produit vers le haut. Aujourd’hui pour Norbert Benaim un costume français est à des années lumières d’un costume italien, il est sidéré que le Président de la République n’incarne pas (pour préserver son image démagogique qui se voudrait proche du peuple) l’excellence en ce qui se fait de mieux en matière de costume tailleur pour homme en France comme chez Camps de Luca ou bien Cifonelli par exemple, incarnant au contraire la médiocrité avec un costume thermocollé en provenance de Pologne. Ce serait bien que le Président de la République incarne l’excellence à la Française par son image (vue nationalement et internationalement).
Des Français qui achètent une étiquette avant d’acheter un produit
Dans son analyse Norbert Benaim pousse plus loin son raisonnement avec un nouveau constat : celui que même s’il avait un jour l’occasion d’habiller une célébrité Française, un présentateur de télévision, un acteur de Cinéma… Il se rend compte qu’il ne saurait pas qui choisir n’ayant pas dans cet éventail large de choix quelqu’un incarnant l’élégance et le glamour au contraire, il remarque qu’ils n’incarnent pas le costume, qu’ils ne le possèdent pas, qu’ils ne l’oublient pas car dans la vie ils ne le portent pas et que dans leurs rôles ça se voit. Ils sont mal à l’aise, ne savent pas où mettre la main… Il nous raconte qu’un Lino Ventura arrivait en costume avec un port naturel (fier) sur un plateau de tournage et repartait en costume avec cette même nonchalance sans jamais subir l’obligation de le porter. L’Italie est le pays où l’homme consomme le plus de vêtements et dans sa culture du beau, l’Italien, achète un produit avant d’acheter une étiquette, une marque. Le client Français quant’à lui achète une marque statutaire pour s’affirmer, pour se rassurer avant d’acheter un produit. En Italie, on vit d’un héritage qui se transmet de père en fils apprenant à apprécier un beau tissu, une belle coupe, une jolie couleur de beaux volumes et proportions… Tous ces détails qui permettent de dire qu’un vêtement est beau. Quand on naît au milieu de belles choses, de beaux intérieurs, de beaux vêtements… On n’y réfléchit plus, on s’habille de façon naturelle ! Aujourd’hui heureusement avec cette pandémie la tendance commence à petit à petit s’inverser.
Aujourd’hui on peut s’éduquer sur le vêtement quand on ne sait pas : par ce podcast, un magazine, un ouvrage pour percer les mystères qui permettant de différencier un beau vêtement d’un mauvais vêtement… Pouvoir être capable de faire la différence entre un vêtement qui est fait en Italie et un vêtement qui est fait en Chine… C’est pas évident mais c’est un travail quotidien que Norbert Benaim s’applique à transmettre depuis plus de 26 ans maintenant en essayant d’apprendre aux gens comment bien s’habiller en coordonnant bien les textures, le sens des proportions c’est important. Il rajoute que souvent on peut avoir un beau costume mais que sans les bonnes retouches nécessaires… Avec une veste trop longue, des manches trop longues… Un mauvais cintrage… Ne donnera pas un costume réussi !
Perception de la valeur du client Français
Le Français n’a pas la culture du vêtement, il a juste besoin de reconnaissance dans une marque il va s’acheter une Rolex, une belle auto mais il va dire à sa femme de lui acheter des chemises qui lui achètera des chemises chez Carrefour. Rue du Faubourg Saint-Honoré regardez-vous autour de vous : combien d’hommes sont bien habillés ? Très peu de gens s’habillent ! Même dans la finance : le mythe de Gordon Gekko habillé en Gordon Gekko ce n’est qu’au cinéma. Un peu chez les avocats mais c’est tout car chez les avocats c’est un travail de représentation. Le vêtement est la base de tout : on n’a qu’une seule occasion de faire une bonne impression dans un monde d’image.
Ce que j’aime c’est quand je me balade en Italie, les gens sont beaux !
Passer une bonne journée avec un vêtement qui raconte une histoire
Le prix est souvent discuté et mal compris par les clients avant qu’ils ne fassent leurs le produit, le vêtement qui raconte une histoire fait par des hommes et des femmes à Naples. Souvent Norbert Benaim fait le rapprochement avec la nourriture : pourquoi bien manger et non pas aussi bien se vêtir ? Pourquoi avoir une belle voiture et un costume acheté chez Carrefour ? Il faut qu’il y ait une cohérence sur l’ensemble de l’image d’un homme. Il ne faut pas attendre un mariage pour nouer une cravate ! Rechercher le beau produit dans une belle matière, rendant grâce à son physique.
Willman : Lifestyle & Vêtements made in Italy
Le nom de la marque Willman est une idée venue à Norbert Benaim d’appeler son commerce comme un ami Willman Solsano : le nom sonnait comme celui d’un tailleur Juif Polonais. La première boutique voit le jour en 1984 au 20, avenue Mozart dans le seizième arrondissement de Paris avec 30m2 et sa réserve suivi par ses anciens clients Smuggler. S’ensuivront les ouvertures des de boutiques au 13, rue des Canettes dans le sixième arrondissement de Paris collée à la Pizzeria Positano pendant quinze ans puis la rue de Chartres à Neuilly-sur-Seine, la Madelaine rue Vignon et à Bruxelles. Aujourd’hui il subsiste deux boutiques : au 32, rue Vignon et rue Tronchet.
Aux débuts Norbert Benaim faisait produire ses cravates chez Breuer : des cravates de d’excellente facture – car quand on défait le noeud et la cravate revient à sa forme initiale c’est là qu’on se rend compte de la qualité de façon. Il découvrit par la suite un fournisseur de chemises italien : Delsiena Milena. Au début Delsiena Milena poussait beaucoup le marché Japonais mais avec l’insistance de Norbert Benaim, le chemisier Italien accepta de travailler avec une première commande de vingt-cinq chemises vendues en une semaine… Ici commença l’histoire d’amour à proprement entre Willman et le produit made in Italy (les usines françaises fermant l’une après l’autre ce choix était devenu une nécessité).
Vint la rencontre avec cet agent du chemisier Finamore : avec quelque chose de magique – une chemise mécanisée avec une odeur particulière qu’on prend plaisir à porter avec des cols à double boutonnage. Norbert Benaim dans un premier temps stoppa cette relation commerciale à la suite d’une décision de politique de production du chemisier Finamore : réaliser les chemises uniquement à la main et par conséquence augmenter les prix de production. Norbert Benaim renouera avec Finamore qu’on retrouve aujourd’hui dans sa boutique Willman.
Faire rêver les clients avec des produits uniques et ne pas les décevoir avec des produits qui tiennent la route. Aller vers le haut avec de l’exceptionnel, des séries limités, des produits uniques que l’on retrouvera uniquement dans un point de vente que l’on retrouvera pas sur internet. Sinon on n’apporte rien et on ne raconte rien, c’est comme pour un grand chef : si c’est pour faire un steak frite comme dans n’importe quel restaurant on n’apporte rien ! Il faut prendre le risque de déplaire mais de toute façon pour se distinguer il faut être dans une niche.
Norbert Benaim nous explique avoir crée la marque Willman avec une identité très Italienne en désirant faire rêver ses clients avec cette culture, ses couleurs et sa créativité inimitable : principalement celle du made in Naples. Partant du constat que les gens aiment l’Italie : ils aiment la nourriture, ils aiment les pâtes, ils aiment le vin…
Dans sa boutique en effet on y retrouve exclusivement des produits transalpins mais plus précisément comme di plus haut, des produits masculins en prêt-à-porter napolitains fatto a mano.
Norbert Benaim avec Willman a pris ce qu’il y avait de mieux dans les codes vestimentaires en Angleterre avec le détail des pantalons avec pattes de serrage, des poches ticket que l’on retrouve sur ses costumes mais aussi la manche napolitaine ou les vestes demies doublées pour apporter de la souplesse et du confort au vêtement en le rendant plus moderne aussi en l’adaptant à la marque Willman. Une manche napolitane procure une autre sensation au port du vêtement : on porte le vêtement et ce n’est pas le vêtement qui nous porte. Il vaut mieux un beau prêt-à-porter made in Italy bien coupé avec les bonnes retouches qu’une mauvaise demi mesure faite je ne sais pas où par des pseudo tailleurs… Quand le costume n’a pas d’histoire, il n’a rien à raconter !
Ce qui fait la force des produits Willman, c’est sans doute le regard de Norbert Benaim : son sens des proportions et du détail. Norbert Willman fait placer les poches à la bonne hauteur ainsi que la poche poitrine qu’il trouve souvent trop basses ainsi que les anglaises du costume. En tirant vers le haut tous ces détails, on allonge la silhouette du costume. C’est ce qu’on voit pas dans le costume qui est important pas uniquement le tissu – par exemple quand on achète une chemise Finamore, on achète pas simplement une chemise mais un savoir faire de dames qui travaillent à la main.
Produits que l’on retrouve dans la boutique de costumes prêt-à-porter Willman
pièces à manches :
- Lardini
- De Petrillo
- Sartorio (by Kiton)
- Kired (by Kiton)
pantalons :
- Pescarolo
chemises :
- Barba
- Finamore
mailles :
- Doriani
- Fedeli
Des clients de vêtements pour hommes devenus amis
La localisation géographique de la boutique de prêt-à-porter masculin Willman situé en plein coeur du très chic huitième arrondissement de Paris aux cotés du Bristol a permis plus d’une fois à Norbert Willman de vendre par exemple tard la nuit. Par exemple un manteau a un client du Bristol qui lorgnait sur la vitrine de la boutique. Puis voyant Norbert ouvrir la boutique pour récupérer son vélo lui demande s’il peut l’essayer : et une vente de manteau à 2000€ à minuit se fait !
Les clients de la boutique Willman que nous avons eu l’occasion de voir passer en coup de vent pour saluer Norbert Benaim en faisant au passage leurs emplettes de façon rapide pour un panier moyen entre 1000€ et 2000€ nous ont frappé par la relation plus qu’amicale (presque familiale) qu’ils entretenaient avec le maître des lieux. Norbert Benaim nous explique que la frontière entre la relation client et ami est très subtile avec des clients qu’il connait depuis plus de trente ans : « les clients viennent pour s’offrir un produit avant une marque mais aussi pour me voir, pour l’expérience que je leur propose… ». Un ami de Norbert atteint d’un cancer lui confie venir chez lui car c’est son plaisir lui procurant un bien presque thérapeutique. Ce client s’étonne que son médecin lui demande pourquoi est-il en permanence d’aussi bonne humeur ? Il lui répond car j’ai le meilleur psy au monde, c’est mon habilleur ! Et quand je vais chez lui ce que je porte c’est comme une sorte d’armure me servant à affronter la vie !
Ressentir la différence qu’apporte un beau vêtement pour homme dans le regard des autres
Norbert explique que le beau vêtement se remarque toujours et que l’on ressent la différence entre un vêtement quelconque et un beau vêtement au travers du regard des autres. A chaque fois qu’un client achète une chemise, un pantalon ou une veste Willman il revient voir Norbert en lui disant qu’il a reçu tel ou tel compliment ce qui fera d’eux en conséquence des clients fidèles de la Maison.
Projets d’une boutique club pour hommes
Norbert souhaiterait agrandir la boutique en y proposant un univers et un lifestyle autour de l’Italie en faisant participer ses amis : le sommelier Enrico Bernardo en proposant du vin, le chef Sicilien avec des pâtes et de l’huile d’olive… Pourquoi pas un bar à tapas, un salon à café… Créer un lieu de vie où les amis clients se retrouvent où les gens parleraient de leurs passions : voitures, montres, photo, cinéma, boxe,… En somme une part d’Italie à Paris !
J’ai pris beaucoup de plaisir dans la réalisation de cette interview. Si vous aussi avez aimé ce podcast, n’hésitez pas à laisser un commentaire en le notant avec 5 étoiles sur l’application Apple Podcast de votre smartphone ou sur Itunes depuis votre ordinateur. Vous pouvez également vous abonner sur la plateforme Apple Podcast I Spotify I Deezer I Stitcher I TuneIn I Podcastics pour ne pas rater une miette des podcasts à venir !
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Bonne écoute,
Stéphane